Voici l’Ilissus du Parthénon, sculpté par Pheidias aux environs de 430 avant J-C. Charles Bargue l’a choisi pour sa planche N° 62 de la partie Modèles d’Après la Bosse (ce qui veut dire d’après des sculptures).
Le titre même de cette sculpture et donc celui de la planche est une pure hypothèse. L’ilissos ou Ilissus était un fleuve qui coulait dans les environs d’Athènes. Ce cours d’eau est de nos jours pratiquement intégralement canalisé et souterrain et son débit irrégulier ne le conduit que très rarement à la mer. Mais on imagine bien l’importance d’une eau vivante durant l’antiquité. Il n’est pas étonnant que des dieux aient pu être l’image de cette richesse naturelle. La sculpture représentait vraisemblablement un dieu sortant de la rivière car on sent l’appui des bras et des jambes dans une attitude qui précède celle permettant de sortir de l’eau et de se relever.
On peut bien entendu faire des hypothèses sur l’attitude qu’avait cet homme avant de perdre jambes, tête et bras.
C’est là qu’une image curieuse nous apporte un morceau d’histoire…
Voyez ce tableau de Théodore Lancelot peint en 1804.
On sait que Bargue n’a pas dessiné son Ilissus en regardant le fronton ouest du Parthénon, il n’y était déjà plus ! Mais en tout cas en 1804, il y était encore…
Cette vue du fronton Ouest du Parthénon montre l’Ilissus. Il était placé sur la partie gauche, dans la plus étroite partie du triangle. Mais on dirait bien que la tête manquait déjà. Il faut donc chercher encore d’autres images pour savoir quand l’Ilissus a perdu ses membres et sa tête.
Cette illustration d’une encyclopédie de 1910 le montre encore entier mais il s’agissait bien là d’une sorte de reconstitution fantaisiste…
Au début du XIXe, Edward Dodwell réalise cette aquarelle qui montre la dépose des marbres du Parthénon.
Plus irréaliste que jamais cette aquarelle montre des blocs de plusieurs tonnes, soutenus par seulement deux hommes, alors que la corde n’est pas même tendue ! Il n’est donc pas possible de croire que le Parthénon ait vu un tel démontage, même si la plupart des sculptures de marbre ont bel et bien été démontées à un moment puisqu’elles trônent actuellement en grande partie au British Museum.
Ce dernier a réalisé une belle reconstitution qui donne une idée à peu près juste de ce qu’étaient les décors somptueux du Parthénon avant que, sous la domination ottoman, des dégâts ont eu lieu et pas des moindres.
Aux extrémités, du fronton, pour suggérer le lieu de la scène (la lutte entre Athéna et Poséidon pour le contrôle de l’Attique, Phidias avait placé les statues couchées de Céphise et d’Ilissus, personnifications de deux fleuves de l’Attique.
Mais alors quand l’Ilissus a-t-il perdu bras et jambes ?
Sur cette illustration plus ancienne attribuée à Jacques Carrey, l’Ilissus est déjà fortement endommagé.
Pourtant ce dessin date de 1674 ! Alors qui a brisé l’Ilissus ?
Il est vraisemblable qu’il fut endommagé à différentes périodes.
Tout d’abord durant l’invasion des Hérules, mais aurait été restauré partiellement. Puis l’édit de Théodose II au IIe siècle imposa la fermeture, entre autres du Parthénon qui fut converti en église chrétienne. Il deviendra une mosquée après la conquête turque.
Enfin, en 1687, durant la guerre de Morée, un dépôt de munitions fut mis à l’intérieur et lors du siège d’Athènes, les Vénitiens bombardèrent le Parthénon, et firent tomber la partie centrale. Aujourd’hui encore on peut voir les marques de ces bombardements de boulets de canon.
Au début du XIXe une délégation obtenait le droit de finir de déposer les sculptures qui après avoir transité chez des collectionneurs privés ont atterri au British Museum, au Louvre et vers quelques autres destinations.
L’Ilissus pouvait-il échapper à tout cela ?
Nous avons une belle opportunité pour vous :
L’Ilissus est une des rares planches pour lesquelles Bargue n’a pas adopté l’effet papier vergé qu’on trouve dans la majorité des autres planches.
Cela donne un velouté supplémentaire avec un effet plus satiné, que seule la lithographie permet de restituer et qui correspond bien au sujet en marbre poli.